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Le Blog de Frank

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22 mars 2012

DARJEELING, INDE

 

Bonjour à tous !

Tout d'abord, désolé par avance pour les fautes de frappe : premier voyage en iPad, super, mais la gestion des accents est beaucoup moins intuitive que ce que Mac veut nous faire dire. À moins que ça ne soit une question de génération... Intéressant en tout cas de voir que le progrès technique induit au final une baisse de standard...

Je suis à Darjeeling, en Inde. Déjà le sixième jour de voyage et, comme à chaque fois maintenant, c'est à peu près le temps qu'il me faut pour être dans le bon rythme. J'ai passé les premiers jours à dormir, prendre mes marques, oublier la vie parisienne, ses valeurs, sa vitesse.

Il faut dire que commencer par Kolkata (ex-Calcutta), ça force à s'y mettre rapidement. Un gifle énorme. C'est l'Inde, bien sur, mais quand même... Delhi et Bombay paraissent bien propres à côté. Certes, on voit moins de bidonvilles qu'à Mumbay en plein centre-ville, mais ici, il semble que ce soit la ville elle-même qui soit une misère : les bâtiments pourrissent sur place, la chaleur et l'humidité aidant, la casse est partout, le bruit, les embouteillages monstres. Même l'eau paraît trouble et grasse, alors comment espérer que quoi que ce soit fût propre ?

Et puis bien sûr la misère humaine. À l'indienne, qui ne se cache pas, qui est là sous vos yeux, violemment. Les enfants qui trient les poubelles putrides au bout de la rue, les rickshaws tirés à la main par des hommes décharnés, les femmes qui font leur lessive dans le caniveau, profitant d'une fuite dans une canalisation, les hommes qui se douchent sur le trottoir, à la faveur d'une pompe à eau manuelle. Et ce type en face de mon hôtel qui dormait sur le trottoir, sans même un linge pour se couvrir. Partout, partout, partout...

On a beau avoir voyagé, visité voire vécu dans des pays très pauvres, en Inde même... c'est excessivement choquant.

J'ai mis deux jours à me plonger, restant d'abord dans la chambre d'hôtel, allant dans un restaurant plutôt chic (à 2 euros le repas complet), partant prendre un café dans le vieux palace colonial de la ville. Entre ces havres de paix, j'ai allongé les visites dans les marchés, les quartiers populaires, pris le ferry, les transports publics, suis allé prendre un bain de foule dans la vieille gare construite par les anglais. Progressivement, reprenant goût petit à petit à cet autre côté de la bulle de Globalia, le roman de Jean-Christophe Rufin .

J'ai joué sur ces deux mondes à part. Complètement déconnectés. La fameuse "classe moyenne" indienne ne représente que 10% de la population ; c'est ce qu'ailleurs on appellerait une élite, ce qui laisse encore 90% dans la dèche la plus totale, avec des indices de développement inférieurs à ceux des pays de l'Afrique subsaharienne. Et 90%, ça fait pas loin de 900 millions de personnes.... Il y a encore de la marge de progression.

Cette classe moyenne se reconnaît facilement : à commencer par son physique. Sans exagérer, le poids moyen d'un riche indien doit être proche du double de son compatriote pauvre. Les femmes âgées sont tellement grasses qu'elles n'arrivent pas à monter un simple escalier : des rampes à pente douce leur sont aménagées ! A cela s'ajoute une arrogance, une suffisance, voire un mépris pour les autres qui ne peut que heurter notre éducation soi-disant humaniste. Je dis soi-disant, parce que quand on voit ce qu'on voit en Inde, et que l'on laisse faire sans bouger, je trouve qu'on est bien loin des bases mêmes de l'humanisme...

Cet écart grandissant entre deux classes de population devient l'une des faiblesses du pays. Il devient intolérable ; combien de temps un crève la faim, qui vit avec sa famille dans la rue, envoie ses enfants à la décharge, peut-il supporter de se faire mépriser ouvertement par de riches parvenus au ventre rond, habillés de riches marques occidentales, tous signes extérieurs de richesse portés beau. Quelle peut être la capacité de résistance du système de castes ? D'ailleurs, j'ai bien noté la floraison de drapeaux rouges frappés de la faucille et du marteau - inévitable...

Tout cela mène à des situations dont il vaut mieux rire : j'hallucine quand je vois des pubs vantant les mérites du tri sélectif des déchets (vu que ce sont les gosses qui s'y cognent dans les décharges), les banques faire de la pub pour des assurances vie (où est passée la réincarnation ?), le gamin des rues fier de son téléphone portable (merci le lavage de cerveau par la pub), ou la bureaucratie à l'indienne, calquée sur le prestige de la nôtre avant guerre, le sens et l'intérêt en moins (9 contrôles de passeport entre l'arrivée à l'aéroport et l'embarquement, deux bureaux dans deux bâtiments aux antipodes de la ville pour obtenir le permis de me rendre au Sikkim, etc etc). Je ris moins face au contrôle de sécurité strict pour accéder à l'hôtel Oberoi Grand : quand le riche se protège du pauvre...

Il y en a un qui a bien compris le truc : le demi-dieu Bollywoodien, le Alain Delon du Décan, Shah Rukh Khan. Il est sur tous les panneaux publicitaires ; je l'ai vu vanter une marque de cigarettes, du soda, du dentifrice, des montres de luxe, des sous-vêtements, des biscuits, des bouillons cubes, etc (pas encore des lunettes). Il est partout ! Ça fait du bien d'observer les grosses ficelles, avec la distance de l'observateur étranger à la critique facile : car au fond, beaucoup de ce que je viens d'écrire doit pouvoir s'appliquer, d'une façon ou d'une autre, à notre bonne vieille Europe...

Évidemment, nous sommes loin ici des problématiques cruciales que sont la viande halal, les 0,3% d'étrangers qui envahissent la France tous les ans et menacent notre identité nationale, faut-il ou pas parler de la mort à des ados, des sondages qui auscultent les intentions de votes mieux qu'un cardiaque en réanimation (avec néanmoins une marge d'erreur de +/-5%...), des grands méchants de la finance, des impôts qui ne rapportent rien, du label France ingérable, des débats de forme sur les mots à ajouter ou retirer de la constitution, etc etc. Que du lourd qui fera avancer l'humanité. Enfin, n'oublions pas que nous avons les hommes et femmes politiques que nous méritons...

Bon, avec tout cela, je vous ai peu parlé du voyage en lui-même... Alors en, bref pour ne pas vous assommer :
- Kolkata : étourdissant, peu de sites mais spectacle de la rue
- avion vers le nord : vue imprenable des sommets enneigés de l'Himalaya
- route vers Darjeeling : magnifique, extrêmement raide, pour quitter la vallée du Gange vers l'Himalaya, à travers les plantations de thé. Circulation impossible.
- beaucoup de militaires partout : proximité immédiate du Bangladesh, du Népal, du Bhutan, mais surtout de la Chine
- présence nombreuse de réfugiés tibétains ; je suis allé à un centre de réfugiés
- Darjeeling est accrochée à la montagne, dans la brume (pas de vue des sommets hélas) ; nombreux touristes indiens, quelques vestiges de l'ère coloniale britannique
- mon hôtel est un havre de paix, tenu par des tibétains, habité par des moines, avec champs et prières tout au long de la journée (dès le lever du jour...). Gongs, centaines de bougies à l'huile...
- je bois du thé, du thé, du thé... Et du coca cola pour être sûr de digérer les currys... Tout va bien jusque là, merci
- demain, départ pour le Sikkim au nord (j'ai dû signer un papier m'engageant à ne pas aller au Tibet), sans doute à Pellin (ça va dépendre de ce que permettent les transports) - je vous renvoie à votre moteur de recherche favori pour en savoir plus
- j'ai réservé mon retour sur Kolkata (à confirmer ce soir, rien n'étant jamais acquis...). Il ne restait plus que des places en troisième classe... Une douzaine d'heures de train, je crois que ça va être une expérience :-/

Je vous laisse donc la, j'ai encore trois litres de thé à boire. J'espère que tout va bien de votre côté...

Frank

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2 août 2011

DUBAI, EMIRATS ARABES UNIS

Bonjour à Tous,

 

Me voilà à Dubaï, pour une courte semaine de retour à terre. Petit déjeuner au lounge de mon hôtel, juste en face de la tour de 800m de haut. Lever plus calme qu’hier matin, encore sur mon bateau, à 3h30 : "Sir, les autres vous attendent au bus pour partir, Sir - ils sont dans le bus, Sir - le bateau va partir, Sir". Euh, ouais, ils m'avaient dit que le rendez-vous était à 8h – ils ont oublié de me réveiller pour me dire que ça avait changé ! Ils s'en sont rendu compte au moment de partir... Imaginez, si j'étais resté à bord : prochaine étape, la Chine dans 10 jours !!

 

Tout va bien - en regardant les autoroutes sur pilotis qui desservent le désert et des terrains vagues, en face du plus grand centre commercial du monde, je mets au propre quelques notes sur la fin de mon voyage, depuis Malte où je vous ai quittés… 

Sixième Jour

La Valette, capitale de Malte. Ravissant port méditerranéen tout en pierres de tailles, chargé d’histoire (les Chevaliers…) qui se voit à chaque coin de rues (piétonnes) et donc de touristes : petit faible pour la Croisière Disney – et les hordes de passagers (américains) qui se déversent par groupe dans la ville, derrière un guide qui porte un panneau… en forme d’oreilles de Mickey. Délicieux.

J’en profite pour prendre un bon déjeuner sur une terrasse, avec un bon café Expresso, et envoyer quelques emails. Le soir, diner au bord de l’eau au coucher de soleil. Y a pire…

 

Septième Jour

Nous partons le matin. Montée à bord d'un passager (…) qui doit convoyer des colis (…) à Djibouti (…), mais que nous chargeons en pleine mer (…) à quelques miles des côtes pour éviter les tracasseries douanières (…). Ok, Ok…

Je visite le moteur : de la taille d’un gymnase. Un bon vieux moteur à explosion, comme sous le coffre de votre voiture, avec cylindres pistons et injecteurs. Juste un peu plus gros. C’est qu’il faut la faire tourner, l’hélice de 9m de diamètre, qui propulse nos 100.000 tonnes ! Entre la mer qui se réchauffe (juste derrière ces parois d’acier) et le moteur lui-même, il fait très, très chaud là-dessous…

Au fait, le pigeon a profité de son escale à Malte pour retrouver la terre ferme.

 

Huitième et Neuvième Jours

Navigation en méditerranée orientale, en ligne droite.

La journée type ? Réveil 7h (eh oui, dur dur), petit-déjeuner au mess, douche suivie d’un tour à la passerelle (seul moyen de savoir où je suis exactement ! – mais que c’est bon de se laisser aller et ne même plus savoir), parfois petit tour sur le pont. Lecture. Déjeuner à midi précise, avec les officiers. Café, à discuter avec le Commandant et le Chef Ingénieur. Sieste, lecture. Pause piscine (de plus en plus chaude, au fur et à mesure que nous avancons : l’eau est puisée tous les jours dans mer, jusqu’à 31° en Mer Rouge). Diner à 18h, discussion ; petit tour en passerelle, de nuit. Lecture et coucher. Quel programme ! Busy busy busy…

En fin d’après-midi, arrivée à Port Saïd : nombreux rafiots à l’ancre, au large, attendant leur tour pour le passage du Canal. C’est marrant, on ne voit quasiment personne en mer et là, tout d’un coup, tous les bateaux que nous ne voyions pas sont là. A la radio, nous captons des conversations entre autorités égyptiennes et bateaux de la marine israélienne : fleuri !

 

Dixième Jour

Canal de Suez – nous nous sommes engagés dans le chenal hier vers 22h. Un convoi d’une petite dizaine de gros bateaux, essentiellement des porte-containeurs. Manœuvres précises : le passage ne fait pas plus de 150m de large (nous en faisons 45 de large, mais 350 de long donc pas de demi-tour possible). Un pilote égyptien donne les ordres… tout en sollicitant ses paquets de cigarettes (5), du Nesquick, et du scotch (!!). Il se plaint parce qu’il veut plus de cigarettes – grand, grand cinéma, sans chercher le moins du monde à se cacher. Et un bon ‘Fuck Mubarack’ au passage, qui vient du fond du cœur !

Pause dans la matinée sur un des lacs naturels au milieu du canal, pour laisser passer le convoi qui remonte vers le nord. On repart vers 13h, arrivée à Suez, en Mer Rouge, peu après 16h. Tout cela est tellement rapide !

Evidemment, c’est un truc complètement dingue : des gros bateaux de 50m de haut qui croisent dans le désert à gauche et une oasis à droite – il n’y a vraiment que l’homme pour faire des trucs pareils. C’est là que je prends conscience de notre taille : première fois que nous sommes réellement proches d’objets connus (des voitures, des camions normaux, des bâtiments). A Suez, nous dominons les plus hauts immeubles de la ville, que le canal contourne, qui dépassent pourtant les 12 étages.

 

Onzième Jour

J’ai abattu Madame Bovary (au risque de passer pour un hérétique, je ne peux pas dire que j’ai accroché : faut-il chier un 700 pages pour passer à la postérité ? – ok, je pousse un peu…), et vais avoir la peau du Contrat Social de Rousseau. J’attaque Voltaire pour faire bonne figure. Ma période grands classiques…

Morceaux choisis de JJR :

"J’ai quelque pressentiment qu’un jour cette petite Isle (La Corse) étonnera l’Europe" - Napoléon ?

"Le luxe corrompt à la fois le riche et le pauvre : l’un par la possession, l’autre par la convoitise ; il vend la patrie à la mollesse à la vanité…"

"Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître" – Bush ?

"Pour peu qu’un état soit grand, le Prince est presque toujours trop petit" - Sarkozy ? (ok, un peu facile…)

"Sitôt que le service public cesse d’être la principale affaire des citoyens […] l’Etat est déjà près de sa ruine" - 21 avril 2002 ?

"Rien n’est plus dangereux que l’influence des intérêts privés dans les affaires publiques"...

Si on m’avait dit qu’un jour je finirais trois livres dans la journée… Et pourtant, je ne m’ennuie toujours pas !

  

Douzième Jour

Nous préparons le bateau pour la l’arrivée au Sud de la Mer Rouge, où commence la zone infestée de pirates. OK, j’avais pris ça à la légère, mais quand on prend une carte du coin et qu’on voit combien il y a d’attaques toutes les semaines, on prend soudainement conscience…

Notre second passager est un ex-militaire, employé par une société de protection/sécurité. Ces colis : des armes et munitions. J’ai droit à un cours particulier de maniement (juste pour l’info, pas pour me préparer, je vous rassure). Je ne m’attendais pas vraiment à ça, tranquille sur mon bateau !

A 18h, couvre-feux, pour ne pas être vus. Interdiction de sortir sur les ponts. Et nous scrutons le moindre navire dans le coin, à commencer par les pauvres bateaux de pêcheurs (finalement les premières victimes), voire de clandestins qui traversent. Certains bateaux entourent leur pont de barbelés, et installent des sacs de sable sur la passerelle…

Il y a quand même quelque chose qui cloche dans tout ça : des pauvres somaliens crève-la-faim qui sont obligés de partir à l’abordage de bateaux énormes, au péril de leur vie (il faut imaginer ce que ça doit faire, au milieu des vagues, de lancer un grappin en haut du mur d’acier de plusieurs dizaines de mètres, et d’escalader sous les tirs des défenseurs…) pour une poignée de dollars – quand justement les bateaux en questions transportent nos sacs Louis Vuitton, nos bouteilles de Bordeaux ou, dans l’autre sens, nos iMac, nos polos Lacoste autres autocuiseurs vapeur. Le tout évidemment manipulé par des mafias (les pêcheurs somaliens ne demanderaient pas 12 millions d’euros de rançon…).

 

Treizième Jour

Journée tranquille. Comme les autres. Que c’est bon !

Je regarde les étoiles en pleine mer, le soir, après manger. Etoiles filantes, voie lactée. Moments de poésie.

Le Commandant me rejoint, fume une cigarette de plus (3 paquets par jour…). Enseignements d’un vieux marin à un bleu. Comment dire… assez libre… sur le bon vieux temps où on avait les traitements à bord contre les gonorrhées (la tropicale, c’est celle qui était sérieuse, les autres, c’était facile à traiter), urétrites, et autres. Où il fallait s’assurer qu’il ne restait plus de filles à bord avant de quitter le port, etc etc. J’hallucine, goûte ce moment de grâce (?), de nouvelle rencontre improbable de deux mondes (on est bien loin de la finance à Paris). Je l’écoute se délecter dans ses souvenirs émus !

 

Quatorzième, Quinzième Jours

Nous naviguons dans le golfe d’Aden, puis en Océan Indien, autour du Yémen et du Sultanat d’Oman. Dauphins, discussions, chaleur étouffante dehors, même en pleine mer et avec la vitesse, visite des coins et recoins du bateau. Cours de géopolitique par un croate : les deux seuls éléments de lecture sont la nation (son histoire, sa langue, sa culture, ses héros, mythes, etc.) et la force (l’armée, les victoires, la puissance, la loi du plus fort, etc.). On est loin de Rousseau et Voltaire…

En fin d’après-midi, nous arrivons au large de Muscat – le second passager doit être récupéré là par un petit bateau. Qui finalement vient nous accoster ; par une petite porte dans la coque, au ras de l’eau, nous déchargeons les ‘caisses’.

Plus que quelques heures de navigation avant de rejoindre Khor Fakkan, un des ports de containeurs des Emirats Arabes Unis. A la radio, je reconnais l’accent pakistanais – nous ne sommes qu’à quelques encablures.

 

Seizième Jour

Au lever, je regarde au hublot : huit énormes grues sont déjà en train de décharger nos grosses boîtes (dont beaucoup sont réfrigérées : les denrées alimentaires que nous exportons dans le golfe). Elles seront remplacées par des boîtes vides, à destination de la Chine.

Une partie de l’équipage descend là. Pour les philippins, c’est la fin d’un contrat de 9 mois à bord, sans vacances et peu de sorties du bateau : les escales sont les moments où il y a le plus de travail. Le port est loin de Dubaï, sans vraiment de facilités pour les visiteurs, à commencer par des transports : je décide d’attendre un jour de plus à bord, nourri-logé, et de profiter que tout soit organisé pour l’équipage le lendemain. J’aurai bien assez de 5 jours à Dubaï-Las Vegas !

Sentiment inattendu : j’angoisse de redescendre. Le bateau protège tellement bien : rien à discuter, à défendre, à négocier, à chercher. Tout est là, bien établi, bien réglé. Aucune responsabilité, pas d’arnaque. Pas d’argent, pas de luxe (cf Rousseau). Juste du temps, beaucoup de temps, et aucune sollicitation.

Le passage par l’immigration (2 heures pour 6 passagers et membres d’équipage) ne fait rien pour me rassurer…

Voilà, vous connaissez la suite. Départ en trombe le lendemain aux aurores, qui m’empêche de dire au revoir proprement à tout le monde. Je n’aime pas plus que ça ces cérémonies, où l’on se rend compte que ce et ceux qui étaient importants ne le sont pas tant que ça. Néanmoins, j’aurais voulu remercier tout le monde pour leur accueil… Je suis jeté dans le bain – mais les réflexes reviennent vite, je vous rassure ! A moi Dubai, les Shopping Centers, pistes de ski, spa&massages...

Retour dimanche prochain à Paris. J’espère que tout va bien de votre côté,

A bientôt !

 

22 juillet 2011

LA VALETTE, MALTE

Bonjour à Tous,

Je renoue avec ma vieille habitude de notes de voyages, et profite de mon escale à Malte pour vous envoyer des nouvelles.

Je n’ai pas eu le temps de vous prévenir tous, cela s’est fait à la dernière minute (et n’en procure que plus de plaisir) : je me suis embarqué sur un porte-containeurs, pour un peu plus de deux semaines, entre Le Havre et Khor Fakkan aux Emirats Arabes Unis. Via La Manche, l’Atlantique, le Détroit de Gibraltar, toute la méditerranée jusqu’à Port Saïd, passage du Canal de Suez, Mer Rouge, Golfe d’Aden, jusqu’au Détroit d’Ormuz et le port des émirats.

J’en vois déjà qui sourient : encore une idée tordue. Plusieurs personnes m’ont demandé d’où ça m’était venu : je suis bien en peine pour leur répondre. L’imagination n’a pas de limites ! Mais sans doute que quelques arguments m’ont attiré : préférence du voyage sur la destination, être loin de tout BlackBerry, réseau internet, téléphone portable et autres sources de connexion, beaucoup de temps et pas beaucoup d’obligations, minimum de sollicitations, curiosité de voir un autre style de vie bien différent, paysages à l’infini…

Pour ceux qui n’ont pas le temps ou l’envie de tout lire : tout va bien, je me plais bien sur mon bateau

Pour les plus inquiets : je n’ai pas le mal de mer

Pour les moins introspectifs : je ne m’ennuie pas, et me supporte très bien !

Pour les autres…

Premier Jour :

Départ de Paris à 7 heures du matin – à moi les océans… sauf que mes tickets de métro ne marchent pas, ça démarre bien, je paie un ticket à 1€70 à la machine avec ma carte bleue… Aventurier au long cours…

Saint Lazare, un samedi matin : mélange de retour de fêtes, zonards, fin de boulot de nuit, départ en weekend des bourgeoises en marinière Cyrillus et sac de plage marin. Eclectique. Mon train part à l’heure : je dois être vers 10-11 heures au port pour embarquer. Arrivée au Havre prévue à 10h11 et mon taxi m’attend. Tout va bien.

16 juillet en approchant du Havre ; crachin, 15°C (et je suis généreux). La Toussaint en été - on va dire que c'est dépaysant. Mon chauffeur m’appelle : pas la peine qu’il passe, le bateau est en retard, ne partira que demain matin, mieux vaut me prendre une chambre d’hôtel. La compagnie confirme le retard, mais je devrais pouvoir embarquer à 22h, pas la peine de prendre un hôtel.

Je voulais peu de sollicitations, avoir du temps… et voir un style de vie bien différent : bienvenue au Havre ! Le gris du ciel se reflète magnifiquement dans le béton, rien ni personne en vue dans les rues désertes. Pas de consigne à la gare, je garde mon chargement sur les épaules, brave les intempéries, et me promène via la place de la Mairie (architecturalement autant que politiquement communiste), et la cathédrale (chef d’œuvre façon silos à grains) jusqu’à la mer. Galets, cabanes en bois. Tout est fermé. Finalement, je m’en retourne vers le centre-ville, devenu animé et ma fois plus sympathique, convivial. Je découvre d’autres boutiques que des agences d’intérim…

Déjeuner pittoresque, façon brèves de comptoir revu par Audiard. Je garde l’odeur de graillon dans mes vêtements tout l’après-midi. Je me pose dans des cafés. Entre deux averses, je me promène un peu. Vers 20h, le départ est reculé au milieu de la nuit. C’est le chauffeur de taxi qui me sauve, et me conseille de prendre une chambre tranquille et d’embarquer demain matin. Direction : l’hôtel Terminus, face à la gare. Tout un programme, rien que dans le nom. Tapisseries à fleurs, chambre fumeurs sur puits de jour, moquette rouge. On est loin du Farrow & Ball et teinte ‘Gorge de Pigeon’ (suivez mon regard) : un autre monde… Je dors.

 

Deuxième Premier Jour (le vrai)

Petit déjeuner sur les chaises en plastique noir de la salle à manger. Toile cirée. Je retrouve mon chauffeur de taxi, avec qui on s’est beaucoup parlé au téléphone : adorable, vraies valeurs humaines, un faciès de marin entre Popeye et Michel Simon. Il m’amène au ‘Port de France’.

Quai asphalté de plusieurs kilomètres de long, centaines de mètres de large. Containeurs rangés en lignes. Par milliers. Enormes portiques qui servent de grues de chargement. Charriots de manutention qui chopent les containeurs sur trois hauteurs. Je perds toute échelle.

Et là, je découvre « le beau bébé » (dixit Popeye) : mon porte containeurs, CMA-CGM Hydra (voir photos sur Google). Capacité : 11000 containeurs. Je ne me trompe pas dans les zéros. Je vous le fais en lettres comme sur les chèques : onze mille containeurs. Ça fait l’équivalent de 200 trains de marchandises – en un seul convoi. C’est drôle, c’est tellement démesuré, qu’on ne s’en rend même pas compte.

La petite voiture de Popeye s’est garée le long du quai. Personne ne nous a rien demandé pour arriver là : il a une carte qui ouvre toutes les barrières automatiques. Le quai est totalement vide, personne. De toute façon, rien n’est humain ici. Les containeurs volent au-dessus de nos têtes. Nous sommes au pied d’un mur d’acier vertical de plusieurs dizaines de mètres de haut, sur 350 mètres de long. Et juste un petit escalier-échelle mobile, suspendu à des cordes. Je monte à bord, sac à dos.

Accueil sympathique du Philippin chargé de la sécurité. J’entre dans l’antre. Dedans, tout est propre et fonctionnel. Lino au sol, néons au plafond, cloisons métalliques imitation bois. On m’amène à ma cabine, par l’ascenseur (petite sonnerie 3 tons façon centre-commercial singapourien pour annoncer l’arrivée à l’étage –touche esthétique sonore complètement décalée, j’en rigole à chaque fois que je l’entends).

Pont F (6 étages au-dessus du pont principal). Ma cabine. Large salon, bureau, coin cabine-lit, salle de bain blanche. Meubles façon IKEA, canapés, fauteuils, tiroirs partout. Mais tout pensé pour la mer et le tangage : rebords aux tables, lampes fixées dessus, crochets pour arrimer les fauteuils au sol, tiroirs à soulever pour les ouvrir, marches sur les pas de portes.

Ma touche préférée : les quelques fleurs plastiques, y compris mini-tournesols et cerisiers du Japon, dans un bac. Le marin a le sens de la poésie.

Trois hublots donnent sur l’avant du bateau. Au-dessus des plus hauts containeurs. Je me colle à la vitre et observe le ballet des petites boîtes, qu’on vient empiler les unes sur les autres, sur le pont. Je réaliserai qu’il y en a deux fois plus dans les cales…

On vient me chercher, pour me présenter au Commandant. Pont G, le plus haut avant la passerelle. C’est le grand-Maître à bord. Comme tous les officiers ici, il est croate. Le physique et la voix de Philippe Seguin, avec le regard d’Elie Wiesel et les façons de Lino Ventura. Très avenant, très sympa, fait tout ce qu’il faut pour m’accueillir. Le marin a le sens de l’humain.

Midi approche. L’heure du déjeuner. Pont B. Mess des Officiers. Nappes blanches, foison d’assiettes et couverts. Vin à table, goulot serti d’une serviette blanche. Le Stewart me montre le menu, sur un tableau blanc : soupe, plat, légumes, salade, fromage, dessert. Service à l’assiette. Il est aimable, prévenant, Philippin, fier de ses mets (cf. les noms qu’il leur donne au tableau : ‘Spaghetti ala Frutti di Mare’…), légèrement maniéré, et balance du ‘Sir’ à la fin de toutes ses phrases. Le marin a encore ses codes sociaux.

Après-midi à lire, dormir (principale activité des deux jours à venir), regarder les containeurs voltiger devant mes hublots.

18h. Diner à la table des officiers.

Dans la soirée, je sens les légères vibrations qui couvrent le bruit de la pluie et de l’air conditionné. Le moteur monte en puissance. Les grues se relèvent ; nous avons largué les amarres. Je grimpe vite les deux volées d’escalier jusqu’à la passerelle.

De nuit, toutes les lumières sont éteintes, pour mieux voir la voie et éviter les reflets sur les vitres. On ne voit que les écrans : ordinateurs, GPS, radars, caméras à bord, etc. Deux rangées de pupitres, tournés vers l’avant. De chaque côté, à la pluie, les bouts de passerelles en surplomb des bords du navire. Le Commandant s’y tient, accompagné du ‘pilote’ du port, qui prend les commandes pour diriger les manœuvres de sortie. De nuit, dans la pluie, à suivre les petites balises rouges et vertes. Au loin, Deauville, Caen. Le Havre qui s’éloigne. C’est dingue, ça paraît étonnamment facile.

Nous prenons la mer entre les bateaux à l’ancre.

 

Deuxième Jour

Je dors comme un bébé, bercé par le tangage. Il ne fait pas très beau en Manche, ça bouge pas mal. Mon estomac ne met que la matinée à s’habituer.

Je suis invité au tour de sécurité. Bateaux de survie, points de rassemblement, combinaisons de survie. A chaque fois, tout le monde m’explique que de toute façon ça ne craint rien : le bateau est insubmersible. Je me souviens du mot en anglais, unsinkable, ils l’utilisaient dans ‘Titanic’. Ça me fait marrer. Le marin est un pote de Coué.

Au passage : visite de la piscine (4m x 4m), du sauna, laverie, salle de ping-pong. J’oublie si mon bateau de survie est à bâbord et mon point de rassemblement à Tribord, ou l’inverse. On se perd vite dans ce dédalle sans repères.

Midi, je retrouve les officiers au Mess. Tous croates. Sauf deux chinois, mais à une table séparée. Le reste de l’équipage est philippin, mais mange dans une autre salle. Le marin a le sens de la hiérarchie.

Toutes tranches d’âges. Que des hommes. Placés suivant leur rang. Le nez dans l’assiette. Le marin est avare de paroles. Le Commandant fait la conversation ; en Croate, ou en Anglais quand il m’inclut. Il m’invite à visiter tout ce que je veux, aller partout où je souhaite.

Tous me poseront la question, à un moment ou à un autre : ils ne comprennent pas trop pourquoi je veux passer mes vacances sur un bateau. Pour eux, c’est ‘une prison bien payée’. Non, je ne veux pas vraiment aller à Dubaï (la destination n’est pas un but). Non, je n’ai pas d’autres vacances prévues cet été (pas un besoin de me coller sur une plage l’été). Non, c’est loin d’être bon marché par rapport à l’avion. Non, je ne m’ennuie pas. Non, je ne suis pas un ‘artiste’ (terme qui recouvre, quand je fais préciser, toute personne ayant une activité créatrice, voire inutile). Non, on ne m’avait pas promis qu’il y aurait la télé à bord (dieu merci il n’y en pas !). Le marin vit son métier comme un sacerdoce.

Après-midi lecture (Les Raisins de la Colère, ça met l’ambiance… mais c'est au programme de Prépa, pour ma filleule) et sieste. Surtout sieste, mais ce n'est pas à cause Steinbeck !

 

Troisième Jour

Je décide de faire un tour du pont, jusqu’à l’avant du bateau. Je passe les racks de containeurs, les uns après les autres. 300m jusqu’à la plateforme avant, une large baie ouverte sur la mer, où viennent s’enrouler les chaînes pour les 2 ancres, et les amarres. Spacieux, ensoleillé. Un joli petit solarium, loin du moteur et des légères vibrations : ici, on entend la mer, la vitesse (~40 km/h), les vagues…

Sur la passerelle, le Commandant s’attendrit : un pigeon, venant des côtes du Portugal, est venu se poser là. ‘Son GPS doit être cassé’. Tout le monde rigole ; ledit pigeon se tient dans un coin, fragile, effaré et épuisé. On lui donne de l’eau, des biscuits.

Cette nuit, nous devrions passer le détroit de Gibraltar. J’ai beau demander à quelle heure, les avis divergent. 3, 4, ou 5 heures du matin. A cette heure-là, ça fait une différence... Même les GPS donnent un horaire différent (je commence à apprendre à lire). Je me couche après avoir rallumé mes téléphones portables : dès que nous passerons près des côtes, ils capteront un signal, recevront un message de bienvenue au Maroc ou en Espagne, et la sonnerie me réveillera. Au cas où, je demande à ce qu’on me réveille en même temps que le Commandant (il a indiqué où sur la carte : ça me va, suffisamment au large pour voir l’approche).

Peu après 3 heures, sonnerie de SMS. Je m’habille en vitesse, et monte à la passerelle. Face à nous, la large baie qui englobe Tanger et Cadiz. La série de lumières délimite le rivage ; c’est étrange, elle est sans discontinuité, exactement comme si la côte Atlantique se poursuivait en continu. Comme si là, quelque part, il n’y avait pas l’entrée vers une mer à part entière, berceau de plusieurs civilisations. Le golfe est immense ; nous voyons très bien Tanger, les collines autour. Plus loin, les lumières vives du nouveau Terminal maritime. Je me repère sur une carte : les petites lumières en face de nous, plus éparses, ne sont pas celles de villages de pêcheurs, mais celles de bateaux engagés dans le détroit. Mes yeux s’y font, je vois la bouche au fond de la baie. De nuit, on pourrait presque passer devant l’entrée de la Méditerranée, et ne pas la voir.

Nous réduisons la vitesse ; nombreux bateaux de pêcheurs, petits cargos. Et nous ne pouvons évidemment guère manœuvrer notre monstre ; lentement nous nous approchons du passage entre les deux caps, entre l’Afrique et l’Europe. Il y a quelque chose d’émouvant. Les colonnes d’Hercules étaient ici ; ici aussi est passé Ulysse. La nuit permet de deviner le relief, et d’imaginer le reste…

Au sortir du détroit, finalement très court, le Rocher de Gibraltar apparaît à gauche, comme une incongruité géologique. Tout seul, au milieu de terres basses. A droite, les riches lumières de Ceuta l’Espagnole donnent un avant-goût de l’opulence occidentale en territoire africain. Tout un cours de géopolitique.

En une heure et demie, nous avons retrouvé la mer, noire. Je retourne me coucher.

 

Quatrième Jour

Je refais mon tour du pont, et reste à l’avant plus longtemps : bien moins de vent et de vagues en Méditerranée. Je descends sur le pont bas arrière, juste au-dessus du tumulte créé par l'hélice. Je décide de poursuivre l’expédition, et entre dans les coursives. Long couloir coincé entre la coque et les cales – 300m d’un trait, à la lumière des néons, fraichement peint en jaune. Bruit continu des générateurs de courant haute tension (certains des containeurs sont réfrigérés et donc branchés). Une image me vient : les usines Trécatel dans le film L’Aile ou la Cuisse. Vision années 70 de la modernité. Tout au bout, j’arrive quasiment à l’étrave. Demi-tour.

A 15h30, exercice d’entrainement à la protection incendie. Refaites le chemin dans les coursives, les ponts, les échelles, mais cette fois en suivant un homme en combinaison anti-feu. Lunaire… J'adore ; je classe le souvenir dans la même veine que la traversée de l'aéroport JFK à New York, vide, dans le noir, guidé par des sorcières et des prisonniers (un jour faites-moi vous raconter...)

Nous longeons les côtes algériennes, de suffisamment prêt pour que je puisse passer un coup de fil de mon téléphone portable. Si les services secrets tombent sur la géolocalisation de mon portable, ils vont se demander ce que je fous !

Le soir, ironie des officiers croates : les philippins sont en train de faire un karaoké dans leur cantine. Apparemment, nous avons des champions… Ce soir, j’évite le verre post-diner, dans la salle de récréation des officiers : sept croates qui fument cigarette sur cigarette (pièce close évidemment - souvenir des vieux cafés français il y a 10 ans), en buvant un coup ou deux, et s’interpelant en Croate. Je passe mon tour. Le marin peut faire du Brel…

 

 

Cinquième Jour

Je découvre que le pigeon est toujours là. Blotti dans un coin de la passerelle extérieur. Il a l’air d’apprécier le voyage, lui aussi. Pigeon voyageur. D’autres animaux à l’affiche ce matin : des dauphins, qui jouent sur les vagues créées par notre rafiot. Avec 14m de tirant d’eau, y a de quoi faire… Le Commandant est rassuré : nous n’avons pas (encore) tout tué dans ce coin de la méditerranée. Le marin, même quand il brûle 10 tonnes de mazout à l'heure, a la fibre écolo.

La Méditerranée est très calme. Très peu de bateaux en vue. Quasiment une vue à 360° sans personne en vue. Du bleu azur.

Le Commandant m’explique les conditions de travail des marins. Contrat singapourien, pavillon anglais, société française, équipage croate/philippin/chinois, banque italienne, etc. etc… Le marin est à la pointe de la mondialisation…

Rappelez-moi de ne pas parler de sa patrie à un Croate. En deux heures, nous avons refait la guerre avec la Serbie (la rancœur et les mots-doux débordent), l’héroïsme croate contre Hitler, pour finir sur la beauté du pays concrétisée par le téléchargement de 150MB de photos et de cartes maritimes de la Croatie sur mon ordinateur. Je sais ce que je fais comme voyage l’an prochain. Le marin aime sa terre… le croate aussi !!

 

Sixième Jour

Là, je suis sur la terrasse d'une placette à La Valette, à Malte. Chaleur. Touristes de la 'Disney Cruise' aux tables à côté (oh mon Dieu !). Je profite d'une bonne salade (j'ai l'impression de mettre 2 kilos par jour), d'un gâteau fait maison, de l'Internet. Et là, je vais me commander un Expresso (haro sur le café instantané...).

Je ré-embarque ce soir. Direction Port-Saïd et le Canal de Suez.

J'espère que tout va bien de votre côté,

A bientôt !

 

8 octobre 2008

RIO DE JANEIRO, BRESIL

IMG_3379Salut à Tous !

Un long silence depuis mon mail parce que... une longue "croisière" sur le Rio Mamoré, en Bolivie... Après avoir réussi à gagner Trinidad, et trouvé un bateau qui devait partir le samedi et naviguer 5 jours pour arriver à Guahara-Merin, à la frontière avec le Brésil... et bien le bateau est parti le lundi, et a mis 8 jours et 8 nuits !

Mais c'était génial. Alors en bref, je retranscris (sans style aucun) les petites notes prises dans mon carnet, au fur et à mesure :

- samedi 27 : je vais au mauvais port, 8 euros de plus pour m'amener au bon, l'arnarque du taxi, qui en plus me largue là tout seul au mileu de nulle part ; le Commandant m'accepte sur le bateau, c'est 7 jours de navigation, on part demain ; IMG_3483bateau de la Fuerza Navale bolivienne (et oui, la Bolivie a une marine militaire, nostalgie de l'accès à la mer perdu au Chili il y a un siècle, et Lac Titicaca obligent) ; on remplit le bateau de 7 camions de gasoil (235000 litres, une bombe !)

- dimanche 28 : on ne part pas, il manque une "documencion" ; on déplace le bateau ; rien ne se passe ; incendie le soir sur la berge, mais personne (sauf moi) ne s'inquiète des 235000 litres de gasoil ! On part demain : je commence à penser à la famille qui va s'inquiéter

- lundi 29 : départ 6h, comme prévu ; une heure de navigation et on s'arrête ; on redémarre à 14h : je pense à la famille, au billet d'avion, et à mon putatif retour au boulot ; dauphins roses autour du bateau ; chips aux bananes plantain au petit-déj, viande séchée ; un matelot sympa, les autres froids ; film porno le soir après le diner

IMG_3394- mardi 30 : on tue le canard qui trainait sur le pont : tant mieux, il chiait partout et chipait mes affaires ; bien dormi sur le pont, dans mon hamac ; arrêt dans un village pour faire des provisions : mangues fraîches délicieuses ; orage équatorial : 2 coups de foudre sur le bateau (mais personne ne s'inquiète pour les 235000 litres de gasoil !), moi, je me mets sur le hamac IMG_3396IMG_3395par sureté ; ils ont attrapé une tortue : ouverte à la hâche, viande pendant 3 jours ; ils ont aussi récupéré sur les plages des tonneaux entiers (véridique) d'oeufs de tortues : délicieux ; les 6 membres d'équipage se décrispent ; pluie toute la fin d'après-midi : humidité partout, fraîcheur

- mercredi 1er : départ 6 h comme d'hab ; ensablement sur un banc après 5 minutes : 1 heures 1/2 pour s'en sortir ; petit-déj tortue (les pates, je crois) ; on m'emmène sur le bateau auxiliaire pour aller dans un village : provisions (fruits, légumes, pastèques) ; conditions de vie IMG_3438très précaires, rencontre extra-ordinaire d'un autre monde ; troc avec de l'essence (il y a une pénurie en Bolivie, même si nous en transportons 235000 litres) ; crocodiles le matin au soleil ; on se baigne : les piranas (pas dangereux) nous sautent au-dessus de la tête ; la cuisinière (La Negra) est une dingue d'oeufs de tortues : on l'attend 2 heures ; le matelot sympa est le Commandant de bord (3 jours pour que je comprenne !) ; navigation de nuit, à l'aveugle, jusqu'a minuit

- jeudi 2 : une nuit de moustiques ; départ de nuit à 5h, on ne doit pas être en avance, mais aucune idée d'où on est ; abordage d'un bateau : une jeune femme enceinte monte avec son enfant ; ravitaillement : une vieille femme monte avec des tonnes de sacs ; on s'arrange pour le petit espace protégé par une bâche ; troc de gasoil, ça fait 3 heures ; au bout de 8 heures, toujours pas partis ; départ à 17h15, on est arrivé là à 8 heures : mon dieu, mon billet d'avion ! ; orage violent ; film porno le soir, que La Negra regarde avec les autres ; navigation jusqu'à 2h30 du matin

IMG_3428IMG_3433IMG_3437IMG_3409

- vendredi 3 : belles photos de lever de soleil sur l'Amazonie ; le Commandant me demande si je m'ennuie : mais non, c'est si bon d'avoir du temps sans aucune contrainte ! ; arrivée à San Antonio à 15h30 : c'est le Far West ; Red Neck couteau de survie au poing, chef du village révolver à la ceinture ; on charge un cochon (je commence à penser à Noé, avec les perruches, la tortue, etc) ; IMG_3454on m'invite à monter au village : alcool local de mandarines (ou un truc similaire - mais pourquoi ont-ils toujours une boisson inbuvable dans ses pays, et qu'ils sont si fiers de vous offrir ?) ; orage extra-ordinaire : 3 heures non-stop d'éclairs : on est bloqués au village, dans la boue ; IMG_3464Rambo (le Red Neck) arrête les vaches à la main, tue le cochon d'un coup de hâche devant nous, et se drogue à la coca+bicarbonate de sodium+cigarettes fortes+mauvais alcool - il est effrayant ; un des matelots ivre mort ; descente de la berge pentue jusqu'au bateau, de la boue jusqu'aux chevilles, glissades ; toutes les affaires sont détrempées, passeport compris

IMG_3420- samedi 4 : départ 6h, froid, boue partout sur le pont, eau dans le sac ; chenal trop bas, on ne sait pas si on peut passer : marquage du passage avec des bambous ; une passagère en plus, avec son porcelet ;IMG_3472 arrêt a Puerto Vigo (?) : plein de passagers montent, c'est la bataille pour l'espace vital, superposition de hamacs ;

IMG_3516- dimanche 5 : encore plein de monde monte, ils ont leurs propres baches ; c'est vraiment l'Arche de Noé ; il n'y a plus d'essence dans le pays, ce rafiot semble être le seul truc qui bouge encore dans le coin : certains l'ont attendu une semaine ! ; pluie fine toute la journée ; je prête un pull et un drap à un passager : il va mourir de froid s'il dort en T-shirt sur le pont ; navigation sans trop s'arrêter, même pas pour les oeufs de tortues

IMG_3503- lundi 6 : ça y est, la rive gauche est en Bolivie, mais la droite est maintenant au Brésil ! ; nuit froide de pluie, pfff ; apparemment, on arrivera à 3 heures du matin : je me prépare ; je garde un pull toute la journée, alors que j'ai passé la semaine torse nu à chercher l'ombre

- mardi 7 : à 7 heures du matin, nous arrivons à Guahara-Merin, qui s'éveille : c'est chouette d'arriver dans une ville au petit matin en bateau, même à Guahara-Merin ! ; je dis au revoir à l'équipage, qui m'a adopté, et à mes amis passagers.

Mais alors, où suis-je maintenant ? Et bien hier matin, j'ai dû trouver (à la fois en Bolivie et au Brésil) où étaient les services d'immigration, qui évidemment ne sont pas au port mais perdus dans la ville - puis trouvé un billet d'avion depuis Porto Velho sauf que j'ai eu un doute : effectivement, la réservation en ligne n'a pas marché (heureusement que mon frere était sur email, et a pu téléphoner en France) ; j'ai donc foncé (en bus, 5 heures sur la "Coca Highway") à Porto Velho, attendu que le bureau de TAM (la Brésilienne, rien à voir avec TAM en Bolivie) ouvre, et finalement ai eu une place sur le vol de 2h35 du matin pour... Rio !!!

IMG_3540Alors là, ça y est, je profite de la civilisation : j'ai pris une douche d'1/2 heure, la première en 11 jours, ai mangé dans un bon resto de Ipanema, viens de me prendre un café à Leblon (les amateurs apprécieront), je viens de trouver un café Internet pour vous dire à quel point tout cela était génial, et je vais aller m'acheter quelques fringues propres parce que les miennes sentent un mélange d'anti-moustiques et d'embruns des eaux boueuses du Rio Mamoré... Après, j'ai 3 jours pour profiter de Rio, me renseigner (essentiel vous pensez bien) sur l'état de la crise financière, et parfaire mon bronzage à Ipanema ou Copacabana (je préfère la première, et en plus c'est là qu'est mon hôtel).IMG_3536

Départ samedi soir, arrivée à Paris dimanche matin... Et retour au boulot lundi matin, frais et dispo, vous imaginez bien...

Allez, j'espère que tout va bien de votre côté... Profitons bien de nos douches chaudes !!

Bises, Frank

PS : merci pour tous vos mails - pas eu le temps de répondre, vous comprenez mieux pourquoi...

25 septembre 2008

RURRENABAQUE, BOLIVIE

IMG_3319Salut à Tous !

Et oui, je ne pensais pas avoir trop de temps pour écrire, mais voilà, les transports aériens Boliviens en ont décidé autrement...

IMG_3350Je suis toujours à Rurrenabaque - mon vol sur TAM (la compagnie militaire locale) pour Trinidad a été annulé (j'avais bien confirmé mon vol hier, auprès des mêmes personnes qui m'ont expliqué aujourd'hui qu'il n'y avait aucun vol de la semaine). J'en ai un autre, sur une autre compagnie, demain. Enfin, on verra... De la grande administration, façon Rwanda ou Uzbekistan Airlines l'an dernier. Mais au fond, j'adore.

Je croyais que la partie difficile serait de trouver un cargo pour descendre le Rio Mamoré jusqu'au Brésil. Encore faut-il que j'atteigne le dit rio. Mais il ne fallait quand même pas que ce soit trop facile. Je ne suis pas encore arrivé à Manaus...

IMG_3336Tout va bien sinon. Les 20 heures de bus depuis La Paz se sont bien passés. Juste un agneau dedans, une personne par siège, pas de télé donc pas de DVD à fond : j'ai pu dormir. Une route incroyable pour descendre de l'altiplano. Impossible de se croiser sur la piste, marche-arrière au bord du précipice en pleine nuit, etc etc... C'est réputé pour être la route la plus dangereuse du monde, et je comprends mieux. Ils ont même décidé d'inverser le sens de la conduite : pour que le chauffeur soit du côté du précipice ou du mur de pierre, et voit mieux s'il va tomber.

Rurrenabaque est très tranquille, au bord de la rivière (mais pas la bonne). Les gens sont sympas. C'est le royaume des hamacs. Et je me goinfre de poissons, de soupes et gâteaux maison que prépare une mama dans son resto. Y a pire...

Oserais-je dire que je pars demain ? Aucune idée. Bonne nouvelle, il semble que la route soit rouverte (ils m'ont proposé un ticket pour les 20 heures de piste ; faut pas déconner, ch'suis pas encore obligé...). Au pire, on verra...

J'espère que tout va bien de votre côté,

Bises, Frank

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4 août 2007

SAMARKANDE, OUZBEKISTAN

Bonjour à Tous !

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Le titre à lui seul justifie mon email. Je suis à Samarkande, mythique, et qui ne perd rien de sa magie sur place. La ville phare d'Asie centrale depuis des siècles est la parfaite dernière étape du voyage, avant d'entamer le retour.

Certes, il est dur de s'imaginer ce à quoi elle ressemblait à son apogée, mais les monuments toujours debout sont à la hauteur de la réputation ! Je vous épargne le bal des superlatifs, de l'harmonie des volumes du Registan à la taille démesurée de la Mosquée Bibi Khanym, en passant par les mausolées mystiques, bazars vibrants, etc... Tapez "Samarkand" sur Google pour voir des photos.

IMG_2561Je suis resté des heures, littéralement (et vous en ferez de même, rassurez-vous, à mon retour), à admirer le Registan, pourtant simple place fermée de trois medersas de briques ocre, céramiques vertes et bleues, et couvertes de dômes turquoises et de minarets :
- au coucher du soleil au son de la musique traditionnelle d'un groupe en train de répéter sur la place (magique)
- au leIMG_2613ver du soleil, en équilibre instable en haut d'un minaret (moyennant 2 dollars au gendarme, je prendrais goût à les corrompre)
- même sac sur le dos, en pleine chaleur, en cherchant un hôtel en arrivant
- même face au pitoyable sons (texte verbeux en alexandrins français) et lumières (j'ai compté : 6 projecteurs en tout et pour tout)
IMG_2562- même en venant dans mon café Internet pour vous écrire, et retrouver les habituels jeunes qui jouent à WarCraft, tchattent sur les sites de rencontres russes, et écoutent à fond de la musique RnB américaine qu'ils me demandent, hélas, de traduire : croyez-le ou pas, mais mes connaissances en argot du Bronx, presque autant que ma pudeur (oui, oui) me limitent dans l'exercice.

IMG_2517Je vous avais laissés dans mon dernier mail à Khiva, où j'ai passé deux jours, avant de traverser le désert pour rejoindre Boukhara, l'une des villes les plus saintes de la région. J'ai profité de mes quatre jours complets pour me reposer, boire du thé pendant des heures au bord du vieux réservoir aàl'ombre des mûriers multi-centenaires, IMG_2540déambuler dans les vieilles ruelles, visiter les principaux monuments (je vous le donne en mille : medersas, mosquées, bazars, forteresse), me faire masser dans un hammam du 17e siècle aux coupôles de briques, lire, et prendre du temps.

J'ai bien sûr rencontre quelques touristes (les tours operateurs semblent maintenant avoir ajouté l'Ouzbékistan à leur catalogue, preuve qu'il n'y a pas d'insécurité particulière à craindre), quelques locaux qui veulent pratiquer leur anglais ou dont les yeux pétillent quand je leur dis que j'habite à Paris (à méditer...).

Mais le Bahodir B&B à Samarkande reste le plus parfait observatoire de quelques spécimen de voyageurs, de quoi faire relativiser tous ceux qui croyaient que je prenais des risques inconsidérés en voyageant dans ces régions :
- à tout seigneur tout honneur ! Une française voyage à velo depuis un an et demi, et revient juste d'Afghanistan (les récits sont terrifiants, mais c'est l'effet qu'elle cherche). Elle s'est quand meme dépéchée le deuxieme jour de se faire faire un tchador. L'Afghanistan, c'est pour la region l'île interdite du roman "La Plage", le lieu inaccessible où beaucoup rêvent de dire qu'ils ont pu aller, et dont tout le monde parle dans le microcosme du voyageur. Je ne vous retrace pas ses traversées de cols au Laddakh (le velo sur les chevaux, eux-mêmes finalement bloqués par la neige...), vous avez déjà assez de mes récits...
- deux français arrivent de France en pédalant ; l'un aimerait aller au Tibet, mais redoute les cols à 5000m sur des pistes en mauvais état et sans village pour s'arrêter ni se ravitailler, et l'autre a trouvé que c'était un bon moyen pour aller faire un stage de 2 mois de spéléologie en Chine (!)
- un couple de Suisses arrive en voiture - comme il est très difficile de la faire entrer en Chine, son frère à elle vient récupérer la Renault 21 Break à Bishkek, et retourne en Europe par la route
- ces deux françaises arrivent  moto d'Europe ("c'est tellement cool de pouvoir profiter des parfums d'un pays")
- un couple de français a pris un an et demi pour voyager, un anglais un an, ce Suisse a décidé de ralier le Mont Kailash au Tibet, etc. etc. J'en oublie sans doute, et je n'ai pas parlé à tout le monde à la grande table commune du petit-déjeuner. Tout cela me donne plein d'idées ! Non, j'déconne...

Ce qui frappe, c'est que beaucoup ne parlent que de leurs aventures, s'engagent dans une compétition à celui qui aura dormi dans le lit le plus pouilleux, aura été pris pour cible au plus gros calibre, a le budget le plus serré. Peu d'échanges avec ceux-là, mais une avalanche d'anecdotes qu'ils semblent n'avoir personne avec qui partager. Facile de les reconnaître en arrivant : ils ont adopté le look "local", version sale et poussiereux, refusent de se raser, sont affalés toute la journée sur les sofas et sortent finalement assez peu de l'hôtel.

Avec les autres, les discussions sont l'occasion d'échanger sur les pays, les motivations, les réflections, et aussi de se donner des tuyaux, des infos - je me suis fait des amis pour toujours en indiquant les distributeurs de billets de Kashgar qui délivrent 200 euros (les autres sont limités  100 euros) ou ceux qui simplement fonctionnent à Islamabad...

IMG_2508Bon, passons à la séquence transports, tant attendue... Quelques chauffeurs de taxi verreux de plus, mais j'en ai fait payer un pour tous les maux des autres : il osait demander 100 dollars à deux jeunes françaises fraîchement débarquées, là o elles n'en avaient que 25 à débourser. Il m'en a sermoné pendant la demi-heure de trajet à ses côtés, ce qui (1) me prouvait à quel point il était escroc puisqu'il me disait que c'était le coup du siècle, et qu'elles avaient l'air vraiment naives, et (2) augmentait ma satisfaction à la mesure de son énervement.

Uzbekistan Airways m'a aussi donné l'occasion de revivre la chaleureuse atmosphère du soviètisme de la grande époque. Deux fausses rousses russes m'attendent du haut de leur guichet en levant les sourcils pour signifier leur inconvenance de me voir. Le bureau est vide, immense, trop eclairé par des néons qui ne mettent en valeur que leur cheveulure du même rouge douteux, qu'une des deux a osé créper de 20 cm au-dessus de sa grosse tête aux traits épais et sans grâce.

Il ne manquait plus que la chaussure sur le bureau pour refaire Khroutchev...
Moi : Hello
Elle : Computer, NIET
Moi : Ah... Do you speak English?
Elle : NIET [et elle me tourne ne dos]

Comme j'avais du temps, je me suis assis sur les canapés marrons, face a elles, et ai attendu sans montrer signe d'impatience. Au bout d'une heure et demi, elles ont demandé à un type de venir voir ce que je voulais... Bon, le resultat est le même (NIET), même après une seconde visite le lendemain, mais je me suis bien maré ! Résultat, je vais à l'aéroport lundi pour essayer de prendre le vol Tashkent Lahore. Apparemment, les ordinateurs n'ont jamais de places disponibles mais les avions si... Nous verrons bien, sinon je prendrai mon vol mercredi comme prévu...

IMG_2754Voilà qui m'amène à la fin de mon mail qui ne devait guère être qu'un titre. De Lahore, je rentrerai samedi matin à Islamabad (la sécurité est suffisante, en prenant les précautions élémentaires d'usage - et Phil veillera sur moi !), d'où je rentre à Paris le soir même, pour arriver dimanche prochain.

J'espère que tout va bien de votre côté...

Bises à tous,

Frank

26 juillet 2007

KHIVA, OUZBEKISTAN

Bonjour à Tous !IMG_2321

Pas mal de chemin parcouru depuis mon dernier mail de Bishkek. Me voici à Khiva, une ville-musée à l'ouest de l'Ouzbékistan, près de la frontière Turkmène, riche en Médersas (écoles coraniques) anciennes couvertes de céramiques bleues et vertes, ceinte de remparts en briques d'argile. Khiva est l'une des villes des Contes des 1001 Nuits.

IMG_2142J'ai quitté Bishkek après quelques jours de repos, de repas occidentaux, de terrasses de cafés et de lectures. Je suis même sorti en boite !

Quel trajet que les onze heures de route entre Bishkek et Osh !

Le paysage, d'abord. Belles montagnes après la plaine qui mène jusqu'au Kazakhstan et les steppes du nord. Col qui monte raide, et plateaux vallonnés verts au-dessus, avec yourtes, chevaux, ruisseaux. Nouveau col pour en sortir, et descente dans des gorges jusqu'au déjeuner. Poursuite pour contourner le lac de Toktogul, puis remontée sur un nouveau col, et descente d'une belle gorge inondée d'un lac aux eaux vertes. Arrivée enfin dans la Fergana Valley, en devinant les sommets enneigés des Pamirs au sud, qui se confondent avec les nuages d'altitude. Il fait chaud, la route fait des tours et des détours, sans doute à causes des nombreuses enclaves ouzbèques à éviter (héritage de Staline...).

Pas mal d'émotions sur ce trajet :
- entassés à 8 dans une Mercedes, plus les sacs, pneus, pots de peinture, etc. On ajoute au fur et à mesure les victuailles achetées au bord de la route : Kymyz (le fameux lait de jument fermenté, incontournable), miel, viande, fromage blanc de brebis qui coule et parfume l'habitacle, riz brun, etc.
- le vieux derrière persiste à me parler en russe. Il répète 15 fois les mêmes phrases, que je ne comprends pas mieux, même s'il ralentit, parle plus fort, articule, montre son impatience. Tu es gentil grand-père : les sons, je les entends bien ; ils montent bien jusqu'à mon cerveau, reçus 5/5, mais je ne comprends pas le russe ! Alors il répète à nouveau.
- tout le monde rigole bien quand j'attribue le surnom de Schumacher au chauffeur. Ce n'était pourtant pas un compliment.
- dépassements vraiment n'importe où. Parfois en triple file quand une 4e voiture arrive en face. Le tout sur 2 voies
- quelques épaves au bord de la route, en piteux état
- face a face avec une Mercedes. J'entends des crissements de pneus (à 110 km/h), et je ne sais toujours pas comment on est passé.
- dépassement dans les tunnels. Pas éclairés, on n'y voit rien sauf la fumée d'un camion qui nous précède. Il ne manque plus qu'une horde de paparazzis pour donner un air de déjà-vu. Je redoute le 13e pilier...
- le chauffeur connaît la route les yeux fermés. Pas une raison pour essayer. J'ai remarqué depuis une minute ou deux que la vitesse avait diminué de moitié, et qu'il se tapait dessus pour se tenir éveillé. C'est
l'approche du parapet qui l'a réveillé. On est reparti illico à 110 km/h
- la vénérable Mercedes a plus de 400 000 km au compteur, et plus beaucoup de gomme sur les pneus, lisses.
- la radio marche quand le capot est levé, ce qui nous arrive quelques fois. Ou quand le chauffeur, entre deux cigarettes, tient le CD par la fenêtre pour le faire refroidir. Pop russe ou turque, pas de Modern Talking cette fois.
- ah oui, les piétons marchent dans les tunnels, pas éclairés et étroits... Ça ajoute un peu de piment.
- notre chauffeur nous arrête devant chez lui, à 20 km de la destination, et fait du stop pour nous. Une nouvelle Mercedes nous prend. Je pense que son propriétaire a voulu nous impressionner, en montant à plus de 160 km/h sur la petite route, en doublant les charrettes tirées par des ânes.

IMG_2144Enfin, suis arrivé à Osh. Ai pu profiter du bazar, pas encore 'modernisé' et qui à mon goût vaut mieux que celui de Kashgar (sauf pour les bestiaux bien sûr) : foule d'autochtones, poussière, multitude de produits, etc. De là, j'ai passé la frontière ouzbèque dans un chaos attendu, et sans avoir trop de problèmes avec les douanes, du fait sans doute que je passais en même temps qu'un couple d'Allemands (les personnes seules sont supposées se faire plus ennuyer), et ai poussé jusqu'à Fergana (via un second chauffeur de taxi qui s'est endormi au volant - les vénérables mamas ouzbèques à l'arrière l'ont tenu éveillé à force de discussions forcées et de bonbons).

IMG_2170Fergana est très russe - larges rues vertes, maisons basses. Petit marché à Margilan, à côté, avant de prendre la route de Tashkent, le lendemain. Là, je décide de tenter ma chance à l'aéroport directement (l'agence d'Uzbekistan Airways à Fergana ne pouvait pas imprimer de billets !!?), pour éviter de passer une nuit à Tashkent, qui apparemment ne présente pas d'intérêt particulier. Un vol part en fin d'après-midi pour Nukus, complètement à l'ouest du pays : parfait ! J'aurais ainsi droit à mon vol en Tupolev, la tête à 1m des réacteurs branlants regroupés à l'arrière de la carlingue, au-dessus du désert.

IMG_2193IMG_2204IMG_2222Nukus est la base pour aller voir l'ancienne ville de pêcheurs de Moynaq. La Mer d'Aral s'est retirée à plus de 100 km, laissant les bateaux rouillés posés sur le sable du désert. Un désastre écologique aux conséquences incalculablesIMG_2189 (y compris le rattachement à la terre ferme d'une île utilisée par les soviétiques comme lieu d'expérimentation d'armes biologiques et bactériologique, dont les animaux infectés courent depuis dans la région). Je passe la trentaine de moustiques qui m'attendent dans ma chambre d'hôtel, et Mona Lisa qui a donné son nom au resto local...

IMG_2484De Nukus, je suis venu directement à Khiva, non sans avoir piqué la première vraie rage du voyage : encore un chauffeur de taxi malhonnête. Il a pris pour son incompétence, sa mesquinerie, et pour tous les autres avant lui.IMG_2431 Je l'ai menacé, devant témoin, d'aller voir la Milice (euh, là, ça l'a calmé - elle n'a pas très bonne réputation par ici...).

IMG_2356Enfin, un bon plov et une douche plus tard, j'appréciais le superbe coucher de soleil sur les monuments de Khiva, qui couvriront au moins 15 minutes du diaporama fatal de la rentrée...

Je suis passé rapidement sur les belles rencontres de voyage :
- Viktor, le manager des 2 boîtes de nuit à Bishkek, étroitement surveillé par son garde du corps, un molosse au gros calibre sous le bras, plus une petite arme à la ceinture, dans le dos. Un vrai film ! Et son regard triste face à son destin (ou peut-être après ses nombreux toasts à la Vodka)IMG_2229
- Jan, étudiant tchèque qui subit les 11 heures de Mercedes entre Bishkek et Osh alors qu'il vient juste d'atterrir après des heures de vol et de décalage horaire
- le couple d'Allemands à la frontière, quitté rapidement, mais très sympa
- le cycliste italien de Fergana, qui va s'attaquer tout seul aux Pamirs
- Andrew et Shirley, canadiens, photographe à Shangai et étudiante en médecine à Vancouver, avec qui j'ai passé une super journée à MoynaqIMG_2177
- et tous les compagnons de route, avec qui j'ai toujours plus ou moins les mêmes délicieuses conversations sur mon âge, ma famille, mon métier, mon salaire, mon itinéraire, etc...

J'arrive au bout de mon court (?) récit. Bien sûr plein d'autres anecdotes, aventures, rencontres. Et toujours plus à venir : je pars à Boukhara demain matin, où je compte me poser quelques jours pour profiter de la vieille ville, apparemment toujours vibrante. Puis Samarkande. Si j'ai assez de minarets et Médersas aux céramiques bleues et vertes, j'avancerai peut-être mon vol de Tashkent à Lahore de quelques jours, pour profiter de cette dernière un peu plus, et de l'hospitalité inégalée des Pakistanais.

J'espère que tout va bien de votre côté...

Bises à tous,

Frank

17 juillet 2007

BISHKEK, KYRGYZSTAN

Bonjour à Tous !IMG_2082

Après le Consulat de la Russie Tsariste à Kashgar, en Chine, me voici dans la capitale d'une ancienne république socialiste soviétique, Bishkek au Kyrgyzstan.

IMG_1961Voici un petit resumé des 10 derniers jours, des mini-juppes des russes à Pierre Richard, des lacs de montagnes aux repas et transports kyrgyzes...

Je vous ai laissé juste avant le marché aux animaux de Kashgar, le plus grand d'Asie centrale. J'ai résisté à la tentation de vous ramener un chameau, je me suis contenté de photos des Uyghours venus des campagnes alentours. Rien que pour cela, le marché vaut encore le coup (je crains déjà le pire pour le diaporama monstrueux à mon retour...).

IMG_1965IMG_1974IMG_1951

Le lendemain, nous nous sommes lancés, avec des amis américains, à l'assaut du col du Torurgart. Aucun problème au final pour passer le col censé être le plus difficile de la région : il faut dire que quitter la Chine pose moins de problèmes qu'y entrer. Les autorités cote Kyrgyzstan ne semblent pIMG_2006as atteintes de mégalomanie : tout juste s'ils ont regardé nos passeports (nous avons vérifié après-coup s'ils avaient bien mis un tampon, après nous être rendu compte qu'il n'y aurait pas 36 contrôles cette fois et que nous étions bel et bien passés).

Tout de même, le passage de la frontière, marquée de barbelés et ponctuée de miradors, à 3700m, fait quelquechose. Il n'y a pas si longtemps que cela, ceci était la frontière entre l'URSS et la Chine... Nous ne nous attardons pas, la grêle nous faisant retourner à la voiture (ce n'était pas une première, nous avions eu la neige au Khunjerab (Pakistan-Chine)).

IMG_2026La logistique suit toute la journee, et j'atteins Kochkor le soir même, en ayant meme organisé ma randonnée à cheval pour les 4 jours suivants. Balade autour du lac d'altitude de Song Kol, à coucher dans les yourtes des bergers. Génial. Comme dans un film... Rien à raconter, les paysages sont infinis, les chevaux dociles, et la gentillesse des bergers sans comparaison.

Je décide de me reposer (enfin, surtout mes genoux : je pense que je voulais amortir les chocs de la selle en d'autres lieux de mon corps... c'est que j'ai encore de la route à faire...) au bord du lac Issyk Kul, longtemps zone interdite car utilisée par les soviétiques pour faire des essais de torpilles. Les transports étant relativement efficaces, j'atteins Karakol en un jour seulement.

IMG_2116Une parenthèse s'impose sur les transports... J'ai baissé de gamme jusqu'à Karakol, en commençant par une Audi luxueuse, puis une Zhiguli (Lada locale), et suis passé enfin au mini-bus sans suspensions, aux passagers fin-bourrés, de l'extatique à l'idée de partager la route d'un étranger, à l'agressif qui arrose tout le monde de bière (euh non, là, c'est mon porte-feuille, t'es gentil, tu n'y touches pas...).

Bien sûr, le tout accompagné de la musique qui sied. La palme à ma Nissan ce matin, de Cholpon Ata à Bishkek : le Best-off de Modern Talking ! Comme ils semblent n'avoir fait que 4 chansons, elles passent en boucle sur la cassette de qualite douteuse, dans des versions plus ou moins techno. On en viendrait à regretter la reprise en russe la veille de Super Trooper de ABBA (en version techno cela va sans dire) !

IMG_2124Karakol est une petite ville essentiellement russe au fin fond du Kyrgyzstan, point de départ de randonnées dans les montagnes voisines. Ville à moitié fantôme, touchée de plein fouet par le retrait des militaires russes (enfin, une partie...) et la récession dont elle ne semble pas se remettre. Je poursuis donc jusqu'à la station balnéaire de Cholpon Ata, envahie par les Russes en bikini (un choc après le Pakistan...).

IMG_2138Je reste là dans une famille loufoque, au bord du lac, à chanter les paroles de l'Eté Indien de Joe Dassin à Elmira mon hôtesse, qui adore, et à découvrir, à plusieurs reprises et avec effroi, que le plus connu representant de la grande culture française n'est autre que Pierre Richard ! Le Grand Blond avec une Chaussure Noire est un must ici, suivi de près par les Fantomas et la série des Gendarmes de Saint Tropez... Euh, y a-t-il une Alliance Française dans le coin pour faire quelquechose ?? Notons que plus personne ne me parle de Zidane depuis le Pakistan...

IMG_2134Séquence culinaire... Depuis une semaine, je n'ai pas le choix de mes menus, fixés par les familles chez les lesquelles je suis hébergé (les rares restos où je suis allé n'y changent rien : je suis incapable de choisir ce que je mange en russe...). Au menu : lait de jument fermenté (Kymyz, la boisson nationale dont c'est justement, quelle chance, la saison - indescriptible), kébabs de poulet (copieusement enduits de mayonnaise AVANT d'être cuits), plov Ouzbèque (riz frit dans un litre d'huile), boulettes de viandes indéfinies, thé jusqu'à plus soif. Bon, je suis bien obligé d'ajouter deux ingrédients occidentaux : Ercéfuryl et Immodium (no comment - ça va mieux, merci...).

Pas mécontent d'arriver dans une (relative) grande ville, aujourd'hui. Je loge dans une cité universitaire, avec une vraie douche (chaude !) et des toilettes ! Bon, je ne suis pas arrivé à trouver les restos à expats, avec un menu en anglais (ceux indiqués par le Lonely Planet ont laissé la place à de grands immeubles en béton, signes des changements rapides par lesquels passe le pays).

Bishkek accentue bien sur les changements, beaucoup plus encore que dans le reste du pays : les hommes ont pris 20 kg de luxure, les jambes des filles 20 cm et leurs juppes perdu autant. Vive la classe à la Russe ! Les berlines allemandes aux vitres noires ont remplacé les carrioles tirées par un âne...

Voilà. Je repars après-demain, vers Osh dans le Sud du pays, d'où je traverserai en Ouzbékistan... Après les paysages infinis du Kyrgyzstan, je retrouve des villes et des éléments plus "culturels". J'en suis content. Prochaines nouvelles sans doute la semaine prochaine, de Tashkent ou même Khiva si je trouve rapidement un billet d'avion (hmmm, Uzbekistan Airways...).

Bises à tous,

Frank

PS : pour ceux qui se demandent encore quels sont les 4 tubes de Modern Talking, et puisque je vais les avoir en tête toute la journée : "Brother Louis", "You're My Heart, You're My Soul", "Cheri Cheri Lady", et "Geronimo's Cadillac".

5 juillet 2007

KASHGAR, CHINE

Bonjour à Tous !

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Je suis dans les jardins de l'ancien Consulat de la Russie Tsariste à Kashgar, reconverti par les Chinois en complexe hôtelier pour touristes étrangers. A l'ombre d'une tonnelle et des peupliers...

Des nouvelles de mon sac, bétonné dans mon dernier email, et qui a attiré une certaine empathie de votre part : et bien le lendemain de mon email, il a eu tout le loisir de se faire nettoyer à grandes eaux (de pluie), sur le toit du mini-bus, pendant 3 heures entre Gilgit et Hunza. Étant le bagage le plus haut sur la pile, et bien que Berghaus fasse de très bons sacs, il était malheureusement "aussi propre à l'endroit qu'à' l'envers", et certaines de mes affaires à l'intérieur aussi ! Rien de grave, pas de dégât au final.

IMG_1799Toujours mieux que ces sacs qui décollent du toit du Toyota à la faveur d'un virage (vécu), et moins dangereux que les chutes de pierres (vécues) qui bloquent la route, mais pas vraiment le chauffeur qui fonce quand même (vécu) au risque de recevoir un gros roc sur le capot. Pourquoi ne pas mettre le sac à l'intérieur ? Les sacs de riz (vécu) ou les poulets (vécu) tiennent toute la place !

Bien embêté en tout cas quand, au bout du 5 ou 6ème contrôle à la frontière, la quarantaine me demande de certifier que je n'ai pas été en contact proche avec de la volaille. Mais les douaniers chinois ne sont-ils jamais passés de l'autre côté voir ?

IMG_1808Le passage de la frontière est une expérience unique en elle-même... Deux fouilles complètes, corporelles et des sacs, une de plus en arrivant à la première ville en Chine (Tashkurgan), et x contrôles de passeports. Tout y passe. Vraiment tout ! Les chaussettes pliées sont dépliées, les semelles de chaussures trouées, les tapis dénoués, la doublure de valise ouverte, l'écran solaire ouvert (là, il s'est bien fait avoir : à 4600m d'altitude, le tube a bien sûr explosé avec la différence de pressions, et parfumé le petit cabanon en tôle qui abrite la fouille). Questions sur mes 15 Tour Eiffel-porte-clés ("cadeaux" pour la police Uzbèque), regard inquisiteur sur mes lingettes sous plastique ; surtout ne pas montrer de signe d'impatience, parce que là, tout s'enraye (cf la fouille Pakistanaise, la même 40 km avant la chinoise, et ce pauvre gars qui a vu sa valise transpercée, sa bouteille de parfum vidée, les semelles de ses chaussures copieusement trouées, etc
etc.).

A la décharge des douaniers, il faut dire que la route est l'une des principales voies du trafic d'opium et l'héroïne, en provenance de l'Afghanistan voisin dont c'est la culture dominante. Et dire que quelques chiens entraînés, et une machine à rayons X élimineraient tout cela ! Et dire que la dernière étape est le passage des bagages par... une machine à rayons X !

IMG_1798Bien sûr, la dernière semaine ne se résume pas à ces petites expériences, bien drôles en soi... De Skardu (mon dernier mail), j'ai repris la superbe route dans les gorges de l'Indus, étroite, accrochée dans la falaise, au pied des sommets à 7000 et 8000m. Changement de bus à Gilgit, et je poursuis jusqu'à Hunza / Karimabad. Là, je me repose 3 jours au pied des sommets de 7000m (6 ou 7 juste autour). IMG_1797Hunza est un ancien royaume Ismaëli (tout le monde là-bas adore Paris car l'Aga Khan y vit...), vergers en terrasse, fruits et abricots secs à profusion, etc. Je me lâche est m'achète un tapis local...

IMG_1811De là, je remonte la rivière en minibus jusqu'à Sost, la ville frontière. Ré-écoutez le "Port d'Amsterdam" de Brel, transposez à 3000m d'altitude avec des chauffeurs routiers chinois au lieu des 'marins qui boivent', et vous y êtes. Le lendemain, c'est le fameux passage de la frontière, et la route sur le haut-plateau de l'autre côté (4000m), jusqu'à la ville-fantôme-communiste de Tashkurgan, accueillis aux annonces du Parti Communiste Chinois, sur tous les haut-parleurs de la ville. Puis, de l'autre côté des Pamirs, on traverse le bout du Désert du Taklamakan pour arriver à Kashgar.

La frontière semble tout changer. D'abord, on roule à droite, on mange avec des baguettes au lieu des doigts, et la seconde moitié de l'humanité ré-apparaît (les femmes, même pas forcément voilées !) ; mais aussi :
- géologiquement, on passe de la plaque Indienne à l'Asiatique
- topographiquement, des vallées encaissées du Karakoram on passe aux hauts plateaux vallonnés
- éthniquement : là, c'est complique côté Pakistanais, mais les dominantes en Chine sont les Uyghurs et les Chinois Han
- linguistiquement : du Hurdu, écrit en Arabe, au mandarin...
- religieusement : de l'Islam, au mélange de Boudhisme, de communisme (assimilé à une religion...) et d'Islam
- architecturalement : des maisons de pierres aux blocs de béton
- culinairement : des currys aux délices chinois
- vestimentairement : des Kemises pastels, aux couleurs vives des Uyghurs (jupes strass et paillettes et talons hauts pour les femmes !)
- politiquement : d'une République Islamique à une République Populaire
- militairement : hmm, d'une puissance nucléaire à une autre...
- horaires : là, tout se complique ! L'heure officielle est bien sûr celle de Pékin... Mais il existe une heure non-officielle, 2h en retard, qui nous a quand même fait nous lever avant même les aurores pour attraper notre bus pour Kashgar...
- transports : des pistes ou routes à nids de poule, à la perfection chinoise, y compris la 2x3 voies pour entrer dans Kashgar...
- etc...

IMG_1835IMG_1846Me voici donc depuis 2 jours à Kashgar, l'une des grosses étapes de l'ancienne route de la soie. Très content de découvrir la vieille ville, miraculeusement encore visible malgré les efforts persistants des Chinois de 'moderniser' la vie et la ville, bétonner tout ce qui passe, contrôler, etc. Le bazar est encore un dédale de ruelles écrasées par la chaleur, cachant des patios verdoyants, offrant des boutiques ancestrales, aux murs de briques recouverts de pisé...

IMG_1999Dimanche se tiendra le 'Sunday Market'... Enfin, oubliez les étals à même le sol, les 50000 visiteurs des provinces autour, les produits des campagnes. Le marché a été 'modernisé', lui, et déplacé à la bordure de la ville. Étals proprets, parfaitement alignés, bétonnés, thermos plastiques Chinois, couvertures synthétiques aux couleurs vives, etc. Le marche aux bestiaux, lui, semble encore avoir gardé de son authenticité (vaches, moutons, chèvres, mais aussi yaks, chameaux, etc)... A suivre donc...

Lundi matin, nous avons loué, avec un couple d'américains sympas, un 4x4 pour passer au Kyrgyzstan via le Col du Torurgat (quitte ou double, quant à savoir si nous pourrons passer ou pas). Les prochaines nouvelles viendront sans doute après la rando à cheval que j'espère faire dans la foulée vers Kochkor et le lac Song-Kol, soit dans une dizaine de jours...

D'ici là, ne vous inquiétez pas pour la météo (chaude, et apparemment bien meilleure qu'à Paris), ni pour les troubles à Islamabad (la mosquée rouge est bien connue comme étant à éviter), ni pour les crachats de chinois (champions du monde de la spécialité)...

Bises à tous,

Frank

27 juin 2007

SKARDU, PAKISTAN

Bonjour à tous !

Déjà de retour sur Internet, dans un Cyber Café qui fonctionne ! Il faut dire que je suis à Skardu, Pakistan, la base arrière des armées qui "surveillent" la ligne de contrôle du Cashmere... Les communications sont plutôt bonnes ici, les routes en bon état (il faut pouvoir déplacer les troupes rapidement)... et les contrôles de papier sur la route fréquents.

Ils ne posent aucun problème : toujours cette hospitalité qui fait que l'étranger est bien reçu. A chaque poste, on me fait asseoir, on papote avec moi (alors que tout le bus attend), on appelle sa soeur en Belgique parce qu'elle parle français... On ne m'a pas encore offert le thé, mais je m'y attends...

Il faut dire que les visages s'éclairent, rassurés, quand je dis que je suis français. Je ne suis pas sûr qu'un Américain ait le même accueil...

Trop d'aventures depuis la dernière fois pour tout raconter. Alors en bref :

IMG_1583- depuis Gilgit (dernier email), j'ai remonté l'Indus vers Skardu. A cause de nos "problèmes mécaniques", je n'ai pas pu attraper une jeep pour Khaplu comme prévu. La route est inouïe : les gorges sont encore plus abruptes, étroites, que sur le Karakoram Highway... C'est la gorge qui sépare l'Himalaya du Karakoram, entourée de sommets à plus de 7000m (et Nanga Parbat toujours, à plus de 8000m)

- de Skardu, je suis allé à Khaplu, puis ai eu la chance de trouver un 4X4 qui montait à Hushe récupérer une expédition de Japonais. Avec une touriste Chinoise, nous avons décidé de faire une petite rando de 2 jours, nous permettant d'apercevoir K2 (second plus haut sommet du monde, il est néanmoins trés difficile à voir, car entouré de sommets -presque- aussi hauts)

IMG_1697- le petit village de Hushe est une perle : au bout de la route, tapis au fond de la vallée -maisons de pierres, champs de blé en terrasses, irrigués par de nombreux petits canaux. Les habitants sont des musulmans sulfir, trés ouverts, et leur douceur doit leur venir de la longue influence tibétaine dans la vallée

IMG_1660- le lieu est inouï : c'est le point le plus loin avant d'entrer dans les zones interdites aux étrangers, dont le fameux glacier Siachen, plus haut champ de bataille au monde (6000m). Calme en ce moment, seuls quelques avions de chasse trahissent une quelconque activité. Au bout de la vallée, en haut des montagnes, on passe soit en Inde d'un cote, soit en Chine. C'est là que l'Islam, le Bouddhisme, et l'Hindouisme se rejoignent... (de même que 3 puissances nucléaires...)

IMG_1701- petite rando seul (ma collègue chinoise n'a pas survécu à l'altitude), avec mon guide et mon porteur. Nuit dans les alpages...

- au matin : ciel nuageux. Pas la peine monter au sommet pour la vue : matinée relax, marche jusqu'au glacier en amont, et redescente au village. Il me faudra revenir pour voir le K2 (j'en vois d'ici qui fond la
grimace...)

IMG_1724- le soir même, j'ai trouvé un cargo jeep qui redescendait les 150 km de piste vers Khaplu. Piste incroyablement accrochée aux falaises, odeurs de gasoil, poussière, petits villages des plus reculés, architecture tibétaine pour des mosquées, champs en terrasses accrochés sur les pentes, un vieux barbu (non c'est une blague, ils le sont tous ici...) qui récitait ses chapelets à côté de moi, et marmonnait un truc sur Allah chaque fois qu'il arrivait au bout. Là encore, en tant qu'étranger, on m'a mis dans la petite cabine avec le chauffeur, avec vue sur la route par le plancher percé ; sinon, c'était avec les 15 ou 20 personnes derrière, à la poussière, à essuyer le ciment tombé des sacs que la jeep était venue monter au village. Mon sac, lui, est crépi !

IMG_1749- aujourd hui, retour tranquille vers Skardu (les mêmes Toyota qu'au Rwanda, mais aux 20 personnes entassées à l'intérieur, s'ajoutent les indénombrables sur les para-chocs arrière et sur le toit) - la civilisation !! J'ai pu enlever la croûte de poussière avec ma première douche depuis 4 jours, manger avec des couverts, et me voilà dans un café internet ! Byzance !

J'ai mon ticket pour rejoindre Gilgit demain, et le Karakoram Highway. Suivant l'heure à laquelle j'arrive (Inch Allah vers 15h), je pourrai me refaire un petit Toyota vers Hunza Valley. Je pense me reposer 2 jours
là-bas, avant de me lancer vers le Col du Kunjerab, et la Chine. C'est sans doute de Kashgar que je vous enverrai mes prochaines nouvelles, d'ici une semaine ou 10 jours...

IMG_1667Voilà, tout se passe donc pour le mieux. Je sens déjà que je vais regréter le Pakistan... Je me régale des paysages, de l'hospitalité des habitants dans la région, des rencontres et discussions (le porteur Balti, la
volontaire australienne, la touriste chinoise, le soldat de la police militaire, l'hôtelier de Hushe, tous mes compagnons de bus-jeep-Toyota, les écoliers du village, etc etc...).

Allez, il est 19:30 ; le muezzin appelle à la prière. Les boutiques du bazar vont fermer, et je vais aller manger mon n-ième Chicken Qorma/riz...

Bises,

Frank

PS : pour ceux qui s'inquiètent des intempéries au Pakistan, elles ont lieu à Karachi, à l'autre bout du pays...

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